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28 février 2015 6 28 /02 /février /2015 16:17
LA SONACOS, UN PATRIMOINE A SAUVEGARDER

I) - LA NATIONALISATION UNE VOIE DE SAUVETAGE D’UN PATRIMOINE HISTORIQUE

Selon le journal « Libération » la SUNEOR (doit céder les unités de Lindiane (Kaolack) et Ziguinchor à la société française, Sosi Protéol. Cela constitue un casus belli entre le Consortium Advens et non seulement les travailleurs de la Sonacos, les plus de 4.000.000 de paysans Sénégalais, mais surtout les intérêts stratégiques de la République du Sénégal. (Journal Libération).

Comment a-t-on pu en arriver là pour brader un patrimoine commun aux Sénégalais ? Ceux qui ont avalisé la privatisation de la SONACOS ont posé un acte qui demeure un crime économique qui ne cadre pas avec les intérêts stratégiques du Sénégal. L’Etat sénégalais est interpellé à plus d’un titre sur ce processus de cession qui constitue un enterrement de première classe d’une filière qui touche et intéresse des millions de Sénégalais.

Etymologiquement, nationaliser, vient du latin natio : naissance, extraction, dérivant de natus = né. La nationalisation pourrait donc être définie comme l'opération de transfert à la collectivité nationale des moyens de productions privés : entreprises, terres, etc.

La nationalisation d'une entreprise consiste pour un Etat à entrer dans le capital de celle-ci à plus de 50% afin d'en prendre le contrôle direct. Elle peut s'opérer soit par une indemnisation des propriétaires privés (ex : nationalisations du gouvernement Maurois en 1982), soit par une confiscation sans contreparties financières (ex : lors d'une révolution, pendant ou après une guerre, comme dédommagement après un préjudice, etc.) (Sources dictionnaire)

Si nous convoquons l’histoire, c’est en septembre 1975, que la société Lesieur Afrique est nationalisée pour devenir la SONACOS (Société Nationale de Commercialisation des Oléagineux du Sénégal).

LE SYSTEME DE LA SONACOS

Déjà Abdou Latif coulibaly dans un article expliquait les contours du système de la SONACOS mis en place par les différents régimes socialistes.

Dans la conception des socialistes qui ont perdu le pouvoir en 2000, l’arachide a toujours été considérée depuis 1960 comme un produit phare de production de richesses, de redistribution et de promotion du développement du monde rural. L’arachide n’a jamais été conçue comme un produit économique ordinaire soumis aux strictes et vulgaires lois du marché. C’est la raison pour laquelle tout un système soumis à une dynamique économique d’ensemble intégrée a toujours été bâti autour de ce produit. C’est l’ensemble de ce système qui a été cassé sans que rien ne vienne le remplacer, dans la perspective de faire de la filière, le fer de lance du développement du monde rural.

Quand la filière agro-industrielle fonctionnait normalement pendant les années 90, avec deux entités distinctes mais intégrées : la SONACOS et la SONAGRAINES, les paysans Sénégalais n’ont jamais vécu les affres des bons impayés. Après la réforme engagée en 1989, le secteur a été en effet organisé autour d’une unité industrielle de profit : la SONACOS et d’une unité d’encadrement et de développement : la SONAGRAINES. Le système mis en place a été très efficace. Il a fonctionné jusqu’en 2000 et a valu de très grandes satisfactions. L’unité industrielle de profit, la SONACOS contractait chaque année auprès du système bancaire national un crédit de campagne reposant sur un mécanisme de financement mettant à contribution à la fois la Banque centrale, les banques commerciales et la société de profit elle-même. La banque centrale (pour (80%) et les banques commerciales (pour (10%), prenaient en charge 90% du crédit de campagne, alors que la SONACOS devait fournir sur fonds propres 10% de ce crédit. Le système était très efficace, car il permettait une commercialisation primaire assurée de l’arachide. Il mettait ainsi le paysan à l’abri des déconvenues qui sont aujourd’hui son lot quotidien (VERITE SUR LES ACTIVITES DE LA SUNEOR AU SENEGAL Entre les engagements et la réalité (MARDI 23 AOUT 2015) www.xalima .sn)

C’est l’ensemble de ce système qui a été cassé sans que rien ne vienne le remplacer, dans la perspective de faire de la filière, le fer de lance du développement du monde rural.

UNE PRIVATISATION NEFASTE POUR LES PAYSANS.

Le régime dit libéral a, en effet, hérité d’une filière empêtrée dans des problèmes institutionnels et agro-écologiques nécessitant une stratégie de relance très ferme et à long terme. Néanmoins, le gouvernement a très tôt affiché sa volonté de mettre un terme à la « dictature » de l’arachide dans les politiques agricoles. C’est ainsi qu’entre 2000 et 2005, la politique vis-à-vis de la filière a été surtout marquée par un désengagement progressif, à travers :

- le démantèlement de la SONAGRAINES et l’introduction du système «carreau-usine» pour la commercialisation des graines d’arachides ;

- la privatisation trop rapide et problématique de la SONACOS, ayant débouché sur un nouveau quasi-monopole des privés.

La situation de la filière est marquée, depuis 2003, par la privatisation totale de la SONACOS, précédée par la dissolution, en novembre 2011, de la Société Nationale des Graines du Sénégal (SONAGRAINES). Or, celle-ci constituait le noyau de l’ancien système de commercialisation « officiel ».

En mars 2005, un consortium français Advens, contrôlé par DAGRIS, Desmet, KRANAPOP et SPI a acquis la société et s’est engagé à mettre en place un système pour la reconstitution du capital semencier et la bonne organisation de la campagne agricole. Aujourd’hui, la SUNEOR serait défaillante ou peu intéressée à injecter des ressources financières nécessaires à la relance de la filière, sans l’accompagnement fort de l’État, à travers les subventions au prix et le financement des semences et engrais. Les réformes mises en place avec la libéralisation ont fortement contribué à la déstructuration de la filière et la privatisation de la SONACOS n’a pas véritablement contribué à changer la situation. Celle-ci a plutôt soulevé un débat houleux entre les partisans et les opposants à la vente de la SONACOS.

Les arguments développés contre la privatisation concernent d’abord le prix de 5,3 milliards de francs CFA jugé insuffisants (rapport Cour des Comptes 2009) ; La Gazette 2011. En plus, le rapport 2009 de la Cour de Comptes (2009 : 73) signale «(…) qu’à aucun moment l’État n’a fixé un prix de vente minimum pouvant correspondre à une valeur de base de la SONACOS», ce qui aurait réduit son pouvoir de négociation vis-à-vis du repreneur. Le manque de transparence dans la privatisation – les travailleurs ayant peu d’informations durant le processus – et l’opacité des négociations avec le repreneur ont été mis en évidence par les acteurs de la filière ou les analystes et évoqué d’une façon subtile dans le rapport de la Cour des Comptes de 2009. Les ex-travailleurs de la SONACOS n’ont été invités à discuter du plan social et des départs volontaires qu’après la signature de l’accord avec le Gouvernement.

De plus, selon le Cahier des charges de l’opération, le repreneur devrait continuer les activités d’intérêt public, notamment l’appui aux producteurs par la fourniture d’intrants, le financement et l’achat d’une bonne partie des graines collectées. Or, depuis 2005, la collecte de l’arachide par la SUNEOR a été en deçà des attentes, si on la compare aux chiffres de production enregistrés les années ayant précédé la privatisation. Les retards dans les paiements, dans la préparation de la campagne de commercialisation et la rareté des points de collecte ont constitué le talon d’Achille de la commercialisation. La collecte et la distribution des graines d’arachide se sont également détériorées depuis la dissolution de la SONAGRAINES. Les expériences de commercialisation comme le système carreau-usine, qui s’appuie sur des collecteurs et transporteurs agréés par la SONACOS (SUNEOR, depuis 2005), semble être un échec, avec une commercialisation faible et des problèmes chroniques de paiement, des retards ou même l’apparition de «bons impayés». Les subventions au prix de l’arachide (différence entre le prix payé par la SUNEOR et celui fixé par le CNIA, comme prix indicatif) dépendent du bon fonctionnement du système carreau-usine et de la fiabilité des intermédiaires privés « agréés ». Mais le suivi de ces intermédiaires a été très faible et a contribué à la déstructuration progressive de la filière. Cette situation a entraîné l’apparition de commerçants privés non agréés mais qui payent au comptant et des prix du «marché libre» généralement bien au-dessous de ceux du CNIA. Les politiques agricoles 2000-2012 : (entre volontarisme et incohérence Carlos Oya *et Cheikh Oumar Ba **)

Cette privatisation va déboucher sur une impasse catastrophique qui nécessite, selon le journal Libération, pour Advens de rétrocéder au Groupe Avril (ex Sodiproteol) qui ont signé, depuis 13 février dernier, un protocole d’accord en vue de la cession de l’activité de trituration de SUNEOR sur les sites de Kaolack et Ziguinchor, le montant de la transaction serait de 12 milliards de F CFA.

L’Etat sénégalais doit intervenir pour non seulement sauver la première entreprise agroalimentaire du pays, mais aussi créer un géant économique international.

II)-LA NATIONALISATION UNE VOIE DE CREATION D’UN GEANT ECONOMIQUE

La nationalisation suppose pour l’Etat du Sénégal de remettre la SUNEOR dans son escarcelle en vue de la création d’un géant de l’agroalimentaire au niveau national et international par la réforme de la filière, réussir le pari de la transformation, par la diversification des produits et par la rétrocession aux paysans actionnaires.

  1. Nationaliser et reformer la filière

La nationalisation est la première opération de salut public qui s’offre à l’Etat du Sénégal pour prendre le contrôle stratégique de cette entreprise.

  1. La création du groupe SONACOS

Après la nationalisation il faut revenir au schéma traditionnel par un changement de nom de SUNEOR et par le développement d’un groupe de sociétés.

a)-d’une société industrielle de profit : la SONACOS

La SONACOS va maintenir l’activité de trituration de l’arachide, qui représentait traditionnellement 50 % de 4 des 5 sites de production et l’installation de nouvelles unités industrielles.

b)-d’une société d’encadrement et de développement : la SONAGRAINES

La dissolution de la SONAGRAINES (filiale de la SONACOS chargée de l’approvisionnement en semences, de la collecte des récoltes et du transport vers les usines de trituration) a été une des raisons de l’échec de SUNEOR dans l’exploitation de la filière arachide.

c)-la création de plusieurs filiales

  • Une société de confiserie (pâte d’arachide, fabrique de chocolat, de margarine, beurre d’arachide, farine d’arachide, arachides grillés pour apéritif, arachides décortiquées).
  • D’une société spécialisée dans l’agro-élevage surtout dans la production d’aliments de bétail (tourteaux, engrais verts).
  • D’une société de produits chimiques qui regrouperait les activités (savonnerie, eau de javel, vinaigre).

Le groupe SONACOS regrouperait ainsi 5 entités intégrées avec des équipes de management calquées sur le modèle des sociétés privées.

3)-Une protection du secteur de l’arachide et des huiles

Le gouvernement doit protéger la SUNEOR par rapport à l’importation des huiles (l’huile de palme) en taxant lourdement les importations, mais aussi en permettant à la Suneor de pouvoir d’abord écouler sa production au niveau du marché intérieur et extérieur. Tous les pays du monde qui sont souverains font des subventions et du protectionnisme qui sont des politiques de souveraineté.

4)-la diplomatie économique

Le chef de l’Etat doit aller négocier avec la Chine, principal acheteur, notamment les sociétés d'Etat chinoises (qui constituaient la clientèle traditionnelle de SUNEOR). Cela permettra aux paysans de pouvoir écouler toute leur production sans rien attendre des spéculateurs.

3)-La diversification des produits

La SUNEOR en son état actuel produit l’huile Niani, l’huile Ninaal, l’eau de javel Baol plus. Elle peut ajouter par rapport au domaine alimentaire d’autres produits finis notamment : La pâte d’arachide, La fabrique de chocolat, la fabrication de margarine), le beurre d'arachide, La farine d’arachide, les arachides décortiquées, arachides grillées pour apéritif (mélangées à d'autres ingrédients: arachides pour confiserie. Pour le domaine de l’alimentation animale : La SUNEOR peut produire le Tourteau d'arachide, fanes utilisées comme fourrage pour le bétail ou l’élevage (équivalent au foin de luzerne). Elle peut aussi produire du savon. L’arachide peut être utilisée comme Engrais vert au niveau de l’agriculture.

5)-Spécialiser les sites de production pour les rendre plus performants

Esquisses de solutions :

Pour mieux relancer la SUNEOR :

a)- tous les 5 sites peuvent continuer la trituration des graines d’arachides

b)- spécialiser les sites de production en créant de nouvelles unités industrielles spéciales par exemple :

  • la création d’un pôle alimentaire confiserie (pâte d’arachide, fabrique de chocolat, de margarine, beurre d’arachide, farine d’arachide, arachides grillés pour apéritif, arachides décortiquées).
  • la création d’un pôle pour aliments de bétail (tourteaux, engrais vert)
  • la création d’un pôle chimique qui regrouperait les activités (savonnerie, eau de javel, vinaigre).

4°)-La rétrocession aux paysans producteurs (actionnaires)

Une autre mesure qui serait salutaire est de rendre la SUNEOR aux paysans Sénégalais qui seraient les actionnaires individuellement ou par le biais de leurs coopératives. L’Etat pourrait leur céder l’action entre 2500 et 5000. Frs et chaque paysan peut acheter entre 10 jusqu’à 100 actions).

Dans les campagnes, si au minima 1 000 000 de paysans souscrivent à 5 000 F CFA l’action, l’opération pourrait dégager une somme de 5 000 000 000 F CFA soit près du prix de cession du Consortium Advens. Ce qui est non négligeable.

Une nouvelle configuration de l’actionnariat de la SUNEOR pourrait se résumer ainsi : l’Etat 15%, les travailleurs 15% et déjà les travailleurs de la SUNEOR sont actionnaires et détiennent 9,14% des actions de l’entreprise, par le truchement de la Société de participation et d’investissement (Spi) et les paysans 70%.

L’Etat du Sénégal ne doit pas laisser perdurer la situation, elle doit utiliser sa minorité de blocage de 15% pour mettre un veto à cette transaction qui constituerait un désastre économique pour le monde rural. Que nos dirigeants se battent pour les intérêts du Sénégal qui est un pays indépendant. Abbas Jabber est un Sénégalais et comme il ne peut plus gérer au lieu de balkaniser et de vendre les sites, l’Etat doit reprendre pour préserver ce patrimoine historique et national dès lors que le patrimoine foncier de Dakar est estimé à environ 100 milliards et les 240 logements de la cité ouvrière de Diourbel à 500 millions».

Jean Charles Mamadou chambaz

charles.chambaz@yahoo.fr

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